Mascarade...
Félix Nussbaum - Clic ! -
On a enfilé les costumes que l'on nous tendait, en silence.
Un cérémonial qui n'avait rien de joyeux, rien de macâbre, rien de connu.
Au bal masqué ce soir là il n' y avait personne,
Je l'ai senti...
Enfin personne de déguisé.
Sauf peut-être toi et ta promesse.
C'était une soirée uniforme.
On était assis tous en rond, autour d'une table, habillés d'une longue tunique de coton gris et on se regardait.
Ce n'était pas un jeu, ni une sentence, pas même une obligation.
C'était comment dirais-je, un concours de circonstances.
Ou bien pire que ça ...
Le début hasardeux d'un émoi.
C'était le bal des anéantis.
Le bal des va-nu-pieds repêchés dans le lac.
Le bal des misérables arpentant les trottoirs.
Des vieux traine-savates.
Des jeunes bougres tombés là par hasard.
On se regardait pour ne pas affronter directement le miroir qui nous faisait face.
Les sept ans de malheur, de coupures, de rêves brisés se multipliaient comme les petits pains des déjeuners que l'on n'avait jamais eu loisir de prendre ensemble.
On se scrutait pour déshabiller l'angoisse, pour chevaucher de rêve en rêve, d'envie en envie, l'immense fragilité des paupières ternies par les craintes.
On se déshabillait l'âme et ça saignait tu sais !
De personnages en personnages on cherchait la mascarade.
La règle du jeu était simple, fixée uniquement par l'indécence de nos peurs :
ne rien dire
ne rien avouer
ne rien transmettre
Seulement paraître comme l'impose tout bal costumé.
Faire semblant ....
Aucune faille, aucun sourire, rien ne devait glisser de nous même.
Une uniformisation spécifique et programmée.
Au bal masqué ce soir là, quand tu m'as pris la main, il n' y avait personne qui s'était déguisé et j'ai eu du mal à te reconnaitre, je le sais bien.
ça m'a chaviré l'âme, emporté la raison.
ça m'a fait rebondir de délire en souhait et j'ai chanté la vie à en perdre le goût.
Ce soir là on était assis autour d'une table.
Comme si l'avenir ne portait plus de pas.
On restait là, inertes, dans l'abominable attente du trépas.
On voulait deviner, caché dans toutes les âmes, le désir de jouer pour qu'on ne pleure pas.
Il y avait dans la pesante certitude, l'élan de vie enfoui, les espoirs enneigés, l"illusion d'une simplicité que l'on ne nierait pas.
Quand tu m'as pris la main ce soir là ,
Quand tu t'es lentement approché de mon visage,
Je ne sais pas pourquoi, je crois que j'ai osé laisser couler une larme sur ta joue ...
Annick SB - Mars 2011 -
( Texte écrit grâce à une consigne des Impromptus Littéraires )